Quand j'ai fait mon bacc en enseignement, on ne mélangeait pas les étudiants au bac en enseignement au secondaire avec ceux qui se dédiaient au primaire. Je n'avais jamais trop compris pourquoi, ou plutôt, je ne m'étais jamais arrêtée à y réfléchir.
Jusqu'à ce que, soudainement, en un claquement de doigts, je me retrouve à enseigner aux «petits» d'une école primaire en pleine pandémie. Ouf!
Je n'y étais absolument pas préparée...
«Ben voyons! Enseigner au primaire ou au secondaire, ça doit être la même chose! Même que... le primaire, avec les p'tits, ça doit être plus facile... Tsé, les ados pas motivés, c'est pas facile!»
Après mon passage dans des classes multiniveau de 3-4e année, dans des classes de 4e, 5e et 6e année, je peux affirmer que ce n'est pas du tout la même chose... Et c'est loin d'être plus facile...
Je comprends pourquoi nous n'étions pas mélangés à l'université. Des compétences si semblables mais si différentes à la fois!
Je n'ai jamais eu d'attirance pour l'enseignement au primaire. Je n'en ai pas plus après mon expérience qui fut pourtant tout à fait enrichissante. Le primaire, c'est tellement plus qu'enseigner une matière! C'est un million de détails à prévoir, c'est plusieurs matières par jour à planifier, à orchestrer. C'est enseigner les accords dans le groupe du nom en plus des multiplications et de l'éthique. C'est prévoir des récompenses (sous-entendre aller magasiner et payer des gâteries qui motiveront les jeunes à travailler et à se surpasser), c'est trouver le bon ton ferme mais doux pour des enfants qui sont encore fragiles mais à qui on doit enseigner comment se comporter en groupe... C'est planifier et «replanifier» une journée parce qu' il fait 30 degrés au thermomètre et que la concentration d'un p'tit de 3e année, ça ne se règle pas avec la raison... Enseigner au primaire, c'est penser à des moments pour se lever et se dégourdir, nettoyer les bureaux après la collation, rappeler les règles de bonne conduite et d'hygiène (période Covid ou non). C'est sortir à la récréation ou accueillir les élèves le matin, beau temps, mauvais temps. C'est même jouer à la corde à danser avec les élèves...
Bref, être prof au primaire, c'est être un papa, une maman, une enseignante, un bricoleur. C'est prendre soin des petits, de leurs émotions, de leur égo, de leur motivation, de leurs apprentissages, de leur vie sociale. C'est tellement plus que ce que la société leur reconnait! Je comprends pourquoi certains jeunes sont mieux à l'école qu'à la maison (malheureusement)... Leur prof, il a tellement un grand rôle à jouer! Et c'est ce qui a sans doute motivé le retour sur les bancs d'école pour eux...
Je suis prof au secondaire, et je suis tout à fait à ma place avec les ados, même si certains sont démotivés et d'autres impolis. Je gère bien ça parce que je suis outillée et prête à réagir à ces comportements. Mais au primaire, j'ai été totalement sortie de ma zone de confort. Où sont-ils rendus dans leurs apprentissages, de quelle façon ont-ils appris ce qu'ils savent? Comment puis-je leur répondre s'ils frôlent l'impolitesse à 7 ans? Aux ados, je sais quel ton employer, mais en 3e année... Merci infiniment à mes collègues du primaire qui m'ont facilité la tâche...
J'ai côtoyé une éducatrice et une enseignante à l'aube de leur retraite... Elles termineront leur carrière en pleine pandémie. À voir leur sourire, on ne peut même pas deviner la fatigue ou la hâte au repos bien mérité. Parce qu'être prof ou travailler au primaire, c'est une vocation. Et une vocation qui mène directement au paradis, je mettrais ma main au feu!
J'ai sûrement plus de chances d'y accéder maintenant que je suis passée par là!
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