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A comme ado

  • Photo du rédacteur: Roxanne Harvey
    Roxanne Harvey
  • 2 avr. 2020
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 avr. 2020


À toi, l’ado.


Je suis prof de français au secondaire depuis vingt-deux ans. Vingt-deux ans, c’est long, mais t’inquiète pas, je suis pas trop vieille. J’ai juste de l’expérience… J’ai d’abord choisi cette profession parce que je suis maniaque des règles de grammaire compliquées, de l’écriture, des romans, des études littéraires. Je me suis dit que je te ferais aimer ça aussi.

Ben j’ai perdu mon pari.


Parce que t’aimes pas ça plus, le français. Au moins, t’haïs ça un peu moins quand on travaille ensemble. Je sais que tu viens à mes cours parce que t’es obligé, mais aussi un peu pour me faire plaisir. Parce qu’avec les années, la principale raison qui fait que je me pointe à l’école pour travailler, c’est plus nécessairement la matière que j’enseigne: c’est toi, l’ado. J’ai appris à aimer qui tu es, dans toute ta complexité, dans tout le tumulte que tu crées sur ton passage. Et je t’adore, l’ado. Et toi, tu le sais, et tu me le rends généralement bien.


J’arrive de deux weekends pas mal éreintants de défis sportifs avec des jeunes de ton espèce: le Grand Défi Pierre Lavoie au secondaire et le défi Au tour des jeunes Desjardins, qui nous a menés à pédaler 276 km autour du lac Saint-Jean. En tout, c’est six jours que j’ai consacrés à ta gang d’adolescents. Et je ne le regrette pas. J’en reviens grandie à chaque fois.


Je t’ai vu tenter de contrôler tes émotions telles que l’exaspération, le découragement, l’insatisfaction, l’envie de te plaindre, la douleur physique, l’épuisement mental…

Je t’ai vu encourager tes amis, te convaincre de continuer, rire aux éclats, pleurer discrètement…


À l’arrivée, si je pouvais imager toute la fierté que j’ai lue dans tes yeux et dans ton sourire, toi qui n’avais jamais repoussé tes limites si loin… tout le monde comprendrait ma motivation à m’impliquer autant avec des jeunes de ton espèce. Parce qu’il m’arrive, parfois, qu’on me dise que je suis pas mal bonne de vivre et de travailler avec des ados, parce que c’est une clientèle pas facile! Des jeunes qui ont les hormones de l’humeur pas mal dérangées et en ébullition avancée, c’est dangereux pour la patience.


C’est vrai. D’ailleurs, y a certains ados avec qui ça ne clique pas. Des ados avec qui j’ai pas envie de m’investir, de me livrer corps et âme.  Et je vois ça comme un échec, parce que ta clientèle, c’est ma force. Alors je me questionne. Parce que je suis humaine, imparfaite, sensible. J’aimerais tellement ça que ça fonctionne entre nous deux, que tu me fasses un sourire de temps en temps! Que tu déploies des efforts pour que j’aie envie d’être avec toi. Au lieu de ça, j’ai droit à des regards qui se traduisent par:

Osti que tu m’énarves! 

De quoi tu te mêles, Harvey!

Si je peux te faire assez chier pour que tu me foutes la paix!

Et moi, ben, j’suis un prof, j’suis une adulte, mais j’ai aussi une sensibilité, une fragilité, et tu peux pas imaginer comment elle est grande! Alors je me protège, de mon côté, parce que je risque que toi, l’ado, tu m’attaques de cette façon trop souvent pour que je survive à mon métier. Tu pourrais arriver à tes fins, si tu étais plus tenace, pour que je finisse par partir. J’y ai déjà pensé…


Mais je t’accorde moins d’importance, par protection, mais aussi pour ne pas contribuer à renforcer ton attitude désagréable et impolie. Si tu viens me piquer dans ma fragilité et que je sens que tu auras ma peau, je finis par t’ignorer. Et c’est pas faute d’avoir tenté de te conquérir, de percer ta carapace, de trouver le bon en toi. Mais t’es complètement fermé à l’idée que j’entre dans ta vie, même (ou surtout) quand ça concerne juste la grammaire.


Et toute cette protection, cet instinct de survie du prof, c’est inconscient. C’est à force de me questionner sur nos atomes crochus (ou pas) que j’en suis venue à m’analyser ainsi. J’aurais aimé tisser des liens plus serrés avec toi, pouvoir être moi-même comme je le suis avec tous ces autres ados de ton espèce et dont je vois, dans le regard, le respect et l’admiration. Mais j’ai choisi de ne pas y laisser ma peau et de consacrer mon énergie à ceux qui la veulent et qui l’apprécient.


Toi, l’ado qui voudrait tout sans rien donner, sans partager un peu de toi et de ton positif, n’essaie pas d’avoir ma peau. Avec le temps, je sais ce que je suis capable de donner et, surtout, à qui je veux le donner. Comme dans toutes les sphères de ma vie, je vais donner à ceux qui veulent bien me faire une petite place.

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