Au moment d’écrire ces lignes, je me trouve à quatre heures de décalage horaire, sur un autre continent, dans un monde foutrement éloigné du mien. Le choc des cultures, qu’on l’appelle, ben, ça fesse!
Pour la petite prof de français que je suis qui a voyagé à maintes reprises, mais surtout dans sa tête, à travers la plume d’auteurs aussi variés que dispersés sur la planète, je suis dépaysée.
Déstabilisée.
Flabergastée.
Sortie à coups de pied de ma zone de confort.
C’est pas un tout inclus, ici (même si ça aussi, ça dérange l’occidental en nous).
Je suis sur le continent africain, chaleureusement accueillie chez ma sœur et sa famille, loin de la misère. Mais cette misère, ou plutôt l’idée que je m’en fais, elle est partout à l’extérieur. Partout dans le monde ordinaire. T’es africain, t’as pas de logement convenable avec l’eau potable, l’électricité, un réfrigérateur et de quoi te cuisiner trois repas par jour? T’as pas d’assurance vie ou maladie? Chez nous, c’est la misère. Les ados que je connais ajouteraient: en plus, t’as pas de Wi-Fi? T’es dans la merde!
Ici, y a pas foule qui pourrait payer son compte d’Hydro et remplir son panier d’épicerie. Et, malheur, pas d’argent donné gratuitement par le bon gouvernement ghanéen. Alors tout le monde se lève, le matin, et part trouver une façon de se faire un peu de monnaie pour survivre et pour avoir l’air digne. Ils sont fiers, ces Africains! Je parcours les routes principales et secondaires depuis quatre jours, et les seuls humains du continent que j’ai pu apercevoir affichant un air malpropre, ce sont les mécaniciens. Parce qu’ils se couchent par terre pour réparer les innombrables véhicules en panne sur les routes. En d’autres circonstances, ils se promèneraient fièrement, bien vêtus, le dos droit.
Ici, à l’autre bout du monde, je vois la misère partout. Mais tout le monde semble heureux de vivre. Pas d’airs bêtes qui chantonnent Ma vie c’est d’la marde… Tout sourire, ils s’approchent de ta voiture, quand tu ralentis sur la rue, et te proposent un item incongru qui a des chances de te rendre heureux selon tes besoins: essuie-glace, tapis d’auto, arachides, mangues, bananes, casquettes, lunettes de soleil, sachets d’eau, gomme baloune, alouette!
Même les enfants, fièrement vêtus de leur uniforme, ont l’air heureux d’aller à l’école ou d’en revenir. Du moins pour ceux qui ont la chance d’avoir accès à un minimum d’éducation. Les autres, ils travaillent.
Pas de richesse, mais le sourire. Ça, c’est une richesse, de pouvoir sourire même si t’as pas le choix de te lever pour gagner ce que tu mangeras dans la journée.
Tout semble pêle-mêle, sur les routes, dans les villages, dans les villes, parce que tout le monde est dehors à vendre ses bébelles et ses services, à fabriquer des blocs de béton, à diriger les vaches et les chèvres à travers les motos, les voitures et les piétons.
Quatre jours que je suis en Afrique. Au Ghana. Quatre jours que ma communauté Facebook voit passer des pans de cette aventure outre-mer qui m’étonne chaque jour. Et sûrement, y a des internautes qui passent vite sur mes statuts, qui évitent ces publications-de-voyageurs-en-manque-d’attention, qui en ont marre de ces vacanciers qui jettent en pleine face aux autres qu’eux, ils ont pris l’avion pour dilapider leurs semaines de vacances au paradis.
Ben non. C’est loin d’être parce que je manque d’attention que je publie des photos et des commentaires de cette aventure grandiose. Et quand t’as pas voyagé tellement à part aller faire la farniente dans un tout inclus, ce genre de voyage, ça décape, ça décoiffe, ça chamboule toutes tes valeurs, et t’as envie de partager ça avec les gens. C’est beau, aussi, l’Afrique, ça vient te faire sentir tout petit. C’est comme si elle te disait: Tu te penses ben bon, du haut de ton Amérique évoluée, mais regarde, ici, ce qu’on a et que toi, t’as pas.
Vivre une semaine, un mois, une année sur ce continent ou à tout autre endroit de la planète qui te fait réaliser que t’es pas le nombril du monde, ça chamboule l’humain en dedans. Et ça, faut le partager, parce que ça fait grandir le voyageur, mais aussi son entourage, qui, peut-être un jour, ira se tremper le petit orteil dans l’océan de l’humanité. Et s’il n’y va pas, il aura peut-être été touché par ce que les autres voyageurs auront vu et raconté. Les photos que je vois passer sur le mur de mes amis FB, elles me donnent envie de voyager, de découvrir l’ailleurs. De m’intéresser à l’autre.
Si j’ai eu un jour envie de me sentir dépaysée par une autre culture que la mienne, c’est parce que des enseignants qui ont vécu des aventures incroyables ont pris le temps de partager leur vécu. Je ne voyage pas suffisamment, à mon grand désarroi. Mais chaque fois que je le ferai et que l’humain que je suis sera piqué, dérangé, émerveillé, je partagerai. En sachant un peu de ce qui se passe ailleurs que chez nous, on finira peut-être par changer un tantinet le monde…
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