C comme chaleur humaine
- Roxanne Harvey
- 1 août 2021
- 2 min de lecture
Je me souviens très clairement de mon premier demi-marathon à Montréal.
Je ne savais pas si je serais capable de le terminer tellement c'était un défi de taille pour moi.

Plus précisément, je me souviens, à moins de 10 kilomètres de la fin, dans la montée Place Jacques-Cartier, d’avoir voulu abandonner. Sentiment épouvantable. Je n’en pouvais plus. Dans la montée qui me semblait impossible, j’ai croisé le regard d’une dame âgée, chevelure d’un blanc immaculé et dos recourbé. Elle a senti mon désarroi et j’ai vu toute sa compassion dans ses yeux bleus. Elle m’a tendu les mains, comme si nous étions seules à ce moment, comme si les milliers d’autres coureurs qui avaient pris le départ avec moi avaient disparu. Elle a pris mes mains dans les siennes. J’ai senti toute la chaleur de ses doigts frêles, puis elle m’a dit: Il faut pas lâcher, je te trouve bonne!
J’ai pensé à cette dame tout le reste de la course, toutes les autres fois où l’envie d’abandonner m’a traversé l’esprit à coups de masse. Et je les ai terminés, ces 21.1 kilomètres. Ce fut le commencement d’une longue série de courses qui m’ont beaucoup appris sur moi-même. Ce jour-là, j’ai surtout appris que les encouragements de la dame-dont-j’ignore-le-nom m’ont permis de ne pas abandonner, m’ont poussée à tenir bon.
C’était juste une banale course dans un événement public.
Aujourd’hui, j’ai eu cette image de la dame aux mains chaleureuses et pleines d’espoir. Je me suis moi-même imaginée à sa place, dans une épreuve où c'est moi qui avais le rôle de donner un peu d’espoir à un autre humain qui se sent seul à souffrir. Aujourd’hui, c’était le salon funéraire pour un ancien collègue enseignant, une machine de sciences, une personne aimée de tous. Aujourd’hui, j’aurais aimé, à l’instar de cette dame aux mains chaleureuses, réconforter la conjointe de Jean. Sa blonde, son amour, son âme-soeur. Il l’aimait tellement! Il nous parlait souvent d’elle, au travail, et même ceux qui ne la connaissaient pas savaient que Jean était fou amoureux d’elle.
Ce soir, elle dormira seule. Je m’imagine à sa place, et je ne peux mesurer sa douleur tellement elle me parait grande. Au salon, j’aurais tellement aimé la prendre dans mes bras pour lui donner ce petit souffle dont elle doit avoir besoin! Mesures sanitaires obligent, il a fallu garder nos distances.
Cette foutue distance froide.
Derrière mon masque, je lui ai dit à quel point j’étais avec elle, estomaquée aussi du départ de son homme. Mais y a rien comme la chaleur humaine pour transmettre un émotion, pour donner de l’espoir. Mon regard, il dit beaucoup de choses, mais derrière mon masque, il me semble qu’il n’est pas suffisant pour transmettre toute ma sympathie, tout mon soutien à cette femme qui dormira seule ce soir. Aujourd’hui, j’aurais aimé prendre ses mains dans les miennes pour qu’elle sente tout mon support.
La pandémie nous aura poussés à de nombreux sacrifices, mais celui-là, il me semble bien inhumain...
Très beau texte! ❤️