Par les temps qui courent, tout ne roule pas comme sur des roulettes: dame Nature se rebelle et on dirait que tout le monde s'en fout, l'inflation en amène plusieurs à choisir entre faire une épicerie convenable ou payer le compte d'Hydro, et les virus ont pris le contrôle de notre quotidien. Il manque de personnel dans les écoles, dans les hôpitaux et dans les commerces où les clients se montrent de plus en plus colériques et impatients.
Toute cette grisaille et ces tuiles qui nous tombent sur la tête, n'est-ce pas un prétexte idéal pour nous entrainer à profiter des petits bonheurs quotidiens et à chercher du beau autour de nous? Parce qu'à un moment donné, le négatif entraine le négatif, et il faut casser le rythme. Ben non! On continue de s'enfoncer, de critiquer, de chercher des poux partout.
Je viens de terminer le roman posthume de François Blais, Le Garçon aux pieds à l'envers. Je venais de le commander à ma librairie de quartier quand j'ai lu les commentaires sur les réseaux sociaux. Le fait qu'il traite d'un esprit maléfique qui lance des défis dangereux à des jeunes en inquiète plusieurs. Parce que ces défis, ils peuvent mener à la mort. Certains s'inquiètent que ces pages tombent entre les mains de jeunes fragiles. Ce roman s'adresse à des jeunes de 12 ans et plus, il plonge le lecteur en plein suspense paranormal. C'est une fiction. Comme les romans de Stephen King. Déjà, si le jeune lecteur qui met la main sur ce titre a peur du noir et des esprits sous son lit, il y a peu de chances qu'il continue sa lecture.
Ça me fait rire quand j'entends qu'on devrait interdire certains romans, certaines séries ou ne plus prononcer des mots odieux comme celui en «N». Comme si tout le monde allait être sauvé par ces interdictions. Comme si on allait assainir tout le monde. D'un côté, les jeunes sont laissés à eux-mêmes dans l'immensité de possibilités qu'offrent Internet et les réseaux sociaux; on les abandonne devant leurs écrans, avec des manettes et des consoles pour qu'ils se battent contre des méchants, pour qu'ils fassent la guerre... Dans leurs écrans, nos enfants déduisent qu'il leur faut être minces ou musclés pour être beaux, et que les filles aiment ça quand on ne leur demande pas pour toucher leur corps, parce que tout est permis, derrière l'écran. Et de l'autre côté, on a des parents inquiets qui voudraient qu'on préserve leur progéniture de romans fictifs qu'ils ont le choix ou non de lire... Dans notre société, il est même devenu odieux de prononcer ou d'écrire un des titres de romans d'Agatha Christie parce qu'une partie de notre Histoire a donné une connotation raciste au mot en «N». Malheureusement, l'interdiction de lire des romans ou de prononcer certains mots ne ramènera pas le bon jugement à ceux qui l'ont perdu...
Eh ben.
Y a sans doute pas encore assez de grisaille autour de nous si on cherche encore des problèmes partout, si on se nourrit aux conflits qu'on alimente sempiternellement.
Les romans qui parlent d'esprits maléfiques qui lancent des défis mortels à des enfants, ce n'est pas ce qui me dérange. Mais ça me fait penser aux défis Tiktok qui pullulent sur les téléphones de nos jeunes et qui sont tout aussi insensés mais qui sont lancés dans la vraie vie: faire tomber des jeunes, se battre pendant deux minutes avec un inconnu, saccager des salles de bain dans des endroits publics ou entrer un objet incongru dans une école. Dans ma réalité, je constate tous les dommages collatéraux que ces défis peuvent entrainer.
En fait, le problème ne vient pas de tout ce qui entoure le jeune et qui risque de le tenter et de lui faire faire des mauvais choix. Le problème, c'est qu'il faut prendre le temps d'outiller nos jeunes pour qu'ils soient empathiques et qu'ils développent leur jugement. Sans empathie, pas de bienveillance. Sans jugement, on ne peut que faire des mauvais choix. Et cette partie de l'éducation humaine et sociale, elle commence à la maison...
Depuis un bon bout de temps, mes interrogations en quête de solutions aboutissent inévitablement à ta conclusion, à ton «envoi»: «Et cette partie de l'éducation humaine et sociale, elle commence à la maison...»
Et parfois, à la maison, quand on y frappe à la porte, il n'y a pas de réponse!
Merci de ta belle réflexion! Un pas à la fois.