La maman de Caillou, toutes les mères du monde occidental la connaissent. C’est la figure de «perfection» qui plane au-dessus de nous toutes. C’est la maman patiente, qui n’élève jamais le ton, qui se consacre totalement à sa famille. Surtout, c’est celle qui ne délaisse pas sa progéniture pour assouvir sa soif de dépassement personnel. Pas de défi professionnel ou sportif en vue qui risquerait de bousiller ce temps de qualité qu’une vraie bonne maman consacre à ses enfants. Elle n’est surtout pas la prof qui doit s’exiler dans un café, loin de ses p’tits monstres bruyants, pour corriger en toute tranquillité, ni la mère entrepreneure qui aurait besoin de 48 heures dans une journée pour assurer la survie de sa compagnie.
Caillou, il est chanceux, sa maman pense toujours à lui. Elle ne vit que pour lui. Elle veut son bonheur, et elle y parvient. Il est le centre de ses priorités. Douceline, elle n’a jamais envie de se payer une journée au spa pour décompresser. Elle ne rêve pas d’enfiler ses espadrilles ou d’aller pousser du fer dans un gym pour se défouler de la crise d’adolescence de son tendre enfant. Elle n’est jamais surmenée, n’a jamais la larme facile parce qu’elle se sent poche avec ses enfants. Elle ne pleure jamais, assise par terre dans sa cuisine, exténuée. Non, elle est parfaite! Un modèle de maternité, cette Douceline. Même son nom sonne comme une musique mielleuse à nos oreilles.
La maman de Caillou, elle nous surveille, nous, les mamans ordinaires. Elle est notre épée de Damoclès qui menace de nous tuer à coups de culpabilité.
Mais cette maman, elle n’est pas vraie. On le sait toutes aussi. Toutefois on continue, nous, les mamans ordinaires, à la laisser planer au-dessus de notre foyer, dans notre tête, menaçant notre quiétude.
La génération des jeunes que je côtoie à l’école et que je croise dans la rue peut bien sembler perdue, souffrant de stress, d’instabilité, d’anxiété: leurs parents sont déchirés entre le modèle parfait de la maman de Caillou et celui, plus réaliste mais moins élégant et moins généreux, du parent qui a aussi des rêves, des besoins, une vie. Du parent qui a parfois un URGENT besoin de s’accorder un peu de temps, un brin de calme, quelques moments à vivre lui aussi ses rêves.
Le parent ne sait plus où donner de la tête, alors parfois il tombe dans les extrêmes: il donne tout son temps, toute son énergie, toute sa vie à sa progéniture, ou bien il reprend tout son temps, toute son énergie, toute sa vie, et délaisse sa progéniture.
Le défi, c’est l’équilibre dans l’histoire.
Le défi c’est, comme parent, de savoir que si on ne s’identifie pas à la maman de Caillou, on n’est pas un déchet parental. On peut encore être digne d’être un parent, un excellent parent, même. Ce ne sont pas toutes les mères qui sont bien à la maison, qui sont prêtes à sacrifier une carrière ou des rêves. Et aucune maman n’est une source intarissable de patience, pas plus qu’un guichet automatique éternellement plein. On a le droit d’en avoir mare, c’est même sain.
Dimanche, c’est la Fête des Mères. Faisons fi de toute cette pression de la Douceline inatteignable qu’on s’impose et rions de nos imperfections. On a le droit de dire non, de faire brûler le souper ou de ne pas le faire du tout, d’écouter egoïstement la musique qu’on aime à tue-tête comme le font nos ados, de déléguer les tâches qu’on déteste faire, de passer une heure dans le bain, de se réserver une journée au Kinipi Spa & bains nordiques. Et le reste de l’année aussi!
Bonne fête des mères!
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