La vie de A à Za bien failli ne jamais prendre vie...
Ce jour-là, je venais de prendre connaissance pour la première fois du visuel de mon premier blogue. Toute une émotion, je vous assure! Depuis le temps que mes réflexions s’entassent dans ma tête!
L’adrénaline et la pure folie s’étant complètement emparées de mon esprit et de mon corps, je devais, à ce moment précis, dilapider un léger surplus d’énergie. J’ai donc enfilé mes espadrilles puis, entre deux cours et avant une rencontre de parents d’élèves, je suis partie pour dix kilomètres de jogging.
Je m’apprête à traverser une rue près de mon école. Une voiture s’approche, s’immobilise.
Son conducteur me voit, me fait signe de traverser, heureux de prendre son temps.
Heureux d’éviter un arrêt à une joggeuse courageuse de février.
Je m’engage dans la rue, reconnaissante envers ce conducteur respirant le calme du moment présent.
Tout aurait pu se terminer à cet instant, alors qu’une seconde voiture s’avance à côté de la première. Ce conducteur, toutefois, est loin de la zénitude du premier. Monsieur est pressé. Si pressé qu’il n’a pas jugé bon d’immobiliser ses roues.
«Mille et un, mille et deux, mille et trois», qu’ils disent dans les cours de conduite. Monsieur Pressé a sans doute fait l’école buissonnière, ce jour de théorie de l’arrêt obligatoire.
Au moment où je passe devant cette voiture, je sais qu’elle ne s’arrêtera pas. Et tout défile dans ma tête : je vois ma belle ado qui court toujours avec ses écouteurs, souvent le soir, peu visible. Et moi qui lui dis d’être prudente. Je l’imagine sous les roues du véhicule, étendue sur la chaussée, inerte. Et mon cœur fait mille tours en un millième de seconde.
Mais à ce moment même, c’est moi qui me trouve devant ce pare-choc qui semble me courir après. C’est moi qui risque de me retrouver inerte sous le véhicule de Monsieur Pressé, laissant derrière moi deux adolescentes sans mère et un amoureux inconsolable.
Soit je saute sur le capot de la voiture meurtrière, soit je tente d’éviter le contact. Sur la pointe des orteils, j’ai avancé mon corps le plus loin possible. La voiture m’a tout juste frôlée.
Le temps s’est arrêté. Je n’entendais rien, je ne voyais rien.
Tremblante au coin de la rue, je retenais une envie puissante de pleurer. J’ai pensé à retourner au vestiaire, mais un voisin a ouvert sa porte, le visage d’une blancheur cadavérique, et m’a lancé : «Eh, la p’tite, t’a ben failli y passer, toé! Tu m’as fait peur! Pis l’autre, y a même pas arrêté…».
Hébétée, paralysée, je suis repartie pour courir ces dix kilomètres. Pendant dix kilomètres j’ai réalisé que j’étais en vie. J’ai senti tous les muscles de mon corps travailler, se contracter, se relâcher.
J’aurais pu ne jamais pouvoir les courir, ces kilomètres.
Depuis ce jour, je surveille les Monsieurs Pressés au coin des rues. Ma confiance dans les automobilistes est anéantie. À plat.
J’arrête à chacun des coins de rue, craignant le pire. Mais surtout, depuis ce jour, je trouve que chaque journée est belle, car j’aurais pu ne pas pouvoir la vivre.
C’est ça, la vie. Il faut parfois passer tout près de la perdre pour l’apprécier un tant soit peu.
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