P comme papier de toilette...

Avec les années, j'ai compris qu'une valeur importante dans mon quotidien est le travail d'équipe. Dans la famille ou au travail, j'aime savoir que si ça ne va pas pour l'un ou pour l'autre, que si le feu roulant devient trop intense, quelqu'un dans l'équipe est disponible et enclin à donner un coup de main. Chacun peut compter sur l'autre, ça diminue le stress. C'est le filet de sécurité. À la maison, l'ado vit un stress dû à un examen ? Pas de problème, ce soir, je m'occupe de la vaisselle pendant que tu étudies. Maman arrive du travail complètement exténuée? Elle peut aller relaxer, d'autres feront le souper. Pour moi, une équipe solide, c'est aussi ça: les banalités du quotidien en équipe.

S'il y a un endroit où l'entraide et l'importance de l'autre se font sentir, c'est bien dans la salle de bain. Au moment précis où le carré de papier se veut une nécessité, c'est rassurant de savoir que le rouleau est plein. Si sa fin approche, l'utilisateur précédent un tant soit peu prévenant aura déjà sorti le rouleau de rechange. Une simple formalité de gentleman avenant. Me semble que c'est évident... J'ai répété cette exigence de civilité à mes enfants depuis bien avant la maternelle. Quand on a enfin le réflexe de prévoir le nouveau rouleau ou, encore mieux, de remplacer celui qui est terminé, c'est le signe évident d'une maturité sociale: l'autre est important à nos yeux, qu'on le connaisse ou non, on cherche son bien-être et à réduire son stress.

Toutefois, malgré toutes ces années d'insistance et d'éducation auprès de ma progéniture, c'est toujours moi qui devais changer ce satané rouleau de papier de toilette après m'être fait prendre avec un rouleau vide... Pourtant, les rouleaux neufs étaient bien en vue, impossible de les manquer. Est-ce le lot de toutes les mères? J'en ai bien peur... Avec le temps, j'ai compris que je dois avoir un talent incroyable et une dextérité du tonnerre pour réussir cet exploit du remplacement du rouleau. Personne d'autre ne sait le faire... À moi la médaille d'or aux Olympiques!

Je déteste changer le rouleau de papier. Il n'y a absolument rien de satisfaisant dans l'opération. Pourtant, mon côté altruiste me motive à le faire, parce ce que j'ai un fort esprit d'équipe. Aujourd'hui, à 46 ans, j'annonce officiellement que c'est terminé! Je prends ma revanche: chaque fois que je me buterai à un rouleau vide, je résisterai à cette envie folle d'aider mon prochain et je replacerai le rouleau neuf dans l'armoire, question de servir la même médecine aux utilisateurs égoistes. La pandémie a exacerbé mon côté rebelle, faut croire...