Au printemps 2018, j’ai été piégée dans un tsunami émotif. Une vague intense de peine a emporté mes certitudes, mes attentes, mes rêves. C’est ça, une peine d’amour dans la quarantaine. Ça fesse.
Probablement autant qu’à 15 ans, sûrement autant aussi qu’à 25. Sauf que là, à mon âge, j’avais des attentes solidement ancrées: je croyais bien que cette relation, c’était la bonne. Elle était solide.
Pouf! Partie! Chiao! Bebye! Adios amigos!
Mais faut s’en remettre si on veut pas crouler sous la peine, étouffés par les larmes qui nous nouent l’estomac et qui nous paralysent le cerveau.
Alors je me suis botté les fesses. J’ai entamé un marathon de guérison: j’ai lu des livres de psychologie sur le deuil, dévoré des ouvrages de croissance personnelle, assisté à une rencontre avec Nicole Bordeleau, suivi des cours de yoga; j’ai bu de la bière, j’ai vu mes amis intensément, j’ai encore bu de la bière et j’ai voyagé. Surtout, dans mon périple à travers ma guérison mentale et émotive, je me suis intéressée à ce nouveau truc à la mode, la méditation pleine conscience, ou la pleine conscience tout court.
Je n’ai pas trouvé de gourou à suivre, je ne suis pas non plus devenue alcoolique (Dieu merci!). J’ai réalisé par contre que ce n’est pas en restant prise dans ma tête que je m’en sortirais vivante. Alors j’ai focussé sur ce qui existe réellement autour de moi plutôt que sur mes craintes d’un avenir hypothétique ou que sur mes réflexions hystériques et paranoïaques. J’ai pris le temps d’inspirer, d’expirer, de sentir l’air voyager en moi. J’ai pris le temps (et c’est pas très long!) d’écouter le bruit du vent dans les feuilles. Juste ça. Je me suis arrêtée quelques minutes par jour pour être là, dans mon présent.
Stop!
Plus de pensées tristes pendant ces quelques minutes par jour.
Plus de pensées coupables.
Plus de je-devrais
J’ai écouté intensément le bruit de mes espadrilles sur le sol. J’ai regardé les fleurs danser au vent dans le rang où j’ai marché. J’ai même pris le temps d’apprécier le tic-tac de mon horloge qui, habituellement, me rappelle que le temps passe trop vite. Cet été, j’ai observé le temps passer. Parce que je l’avais décidé.
Parce que j’ai pris le temps de regarder passer le temps.
Et parce qu’on dit que le temps arrange les choses. Eh bien, j’ai compris ce que ça voulait dire.
Prendre le temps d’arranger les choses. Couper court à ces pensées qui vont toujours trop vite dans notre tête. Stopper un moment ces idées folles qui nous écrasent sous le semblant d’importance royale qu’on leur accorde. S’attarder à ce qui est simplement, à ce qui ne demande rien, à ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on fait machinalement: tourner les pages d’un roman en écoutant le bruit du papier; regarder tomber des flocons de neige, un à la fois; observer l’effet du vent dans ses cheveux; boire une bière et être à l’affut de la moindre réaction de nos papilles; se laver les mains et prendre conscience de tous nos micro-mouvements; marcher en forêt et porter son attention sur chaque odeur qui s’invite, sur chaque feuille qui craque sous nos pas. Sentir l’odeur de l’autre, humer sa peau, la toucher…
Ça, c’est la pleine conscience. Qu’on médite ou non pendant ce temps, ça importe peu. Parce que cette pleine conscience, elle donne un répit au hamster qui roule à toute vitesse dans notre tête. Celui-là même qui est responsable de tout ce stress qu’on s’impose et qui nous empêche d’être zen pour affronter les tsunamis émotifs.
La pleine conscience, ça ne paiera pas les comptes à la fin du mois. Ça n’anéantira pas une maladie incurable. Mais ça confère au temps qu’on vit une qualité hors du commun. Une réalité que plusieurs n’ont même jamais expérimentée parce que le train de la vie roule à pleine vapeur pour arriver à une destination vers laquelle on n’éprouvera aucun plaisir en route si on ne regarde pas un peu de ce paysage qui caractérise le voyage.
Alors autant ajouter un peu de qualité à ces secondes qui ne reviendront plus.
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